mercredi 10 juin 2009
CAGNY (80) Une assistante maternelle maltraitante
Mardi se tenait le procès d'une assistante maternelle, aujourd'hui licenciée, qui pendant des années a infligé des mauvais traitements à trois enfants qu'elle accueillait, dont deux sœurs.
Par peur des représailles, les deux sœurs n'ont révélé leur calvaire qu'en 2004, lorsqu'elles ont été placées dans une nouvelle famille d'accueil.
L'assistante maternelle de Cagny qui les accueillait jusqu'alors, malade, ne pouvait plus alors assurer correctement son rôle. Mais l'a-t-elle toujours tenu ? Assurément non.
Sophie et Julie*, à 4 et 5 ans, ont été placées par l'aide sociale à l'enfance chez cette « tata », à la suite de difficultés personnelles rencontrées par leur mère. Elles y retrouvent un garçonnet, également placé, devenu majeur depuis, qui a également subi les mêmes mauvais traitements.
Des quatre années passées dans la famille d'accueil de Cagny, les filles évoquent les bons moments ; notamment quand le mari de l'assistante maternelle est présent. Mais une fois ce dernier absent, les fillettes endurent un véritable calvaire.
Leur « tata » les oblige à effectuer toute sorte de taches ménagères, ou leur fait prendre des douches glacées ou brûlantes. Elle les place à genoux, les mains sur la tête, sur un manche à balai, leur donne des coups de martinet ou leur fait faire « la chaise ». La punition qui consiste à adopter la position assise dans le vide et à tenir le plus longtemps possible.
Les fillettes ramassent aussi les déjections du chien, se couchent parfois sans avoir rien mangé et montrent des signes évidents de manque d'hygiène.
Les larmes de la sœur aînée
L'énoncé de ces faits de violence par la présidente Grévin a provoqué hier des larmes chez la plus grande des deux sœurs. La plus jeune, elle, a calmement exposé quelques détails au tribunal. Et s'est notamment remémoré les soirées où l'assistante préparait des crêpes. « Nous ne pouvions en manger qu'une moitié chacune, on n'avait pas le droit d'en prendre une entière. »
L'éducatrice spécialisée de l'aide sociale à l'enfance, à qui se sont confiées par la suite les fillettes, pointait aussi hier des rendez-vous médicaux sciemment évités, des absences non justifiées à l'école, des vêtements inadaptés pour les petites ou des non-présentations aux rendez-vous avec leur mère, qui conservait un droit de visite . « L'orthophoniste qui suit les filles, l'école, tout le monde s'est mis à parler. Et même encore maintenant, des choses sortent. »
Mais le moment le plus pénible de cette affaire fut la confrontation au commissariat entre les trois enfants placés et leur assistante. Laquelle a littéralement dérapé en promettant de faire mettre le jeune garçon en garde à vue et en imposant aux fillettes des allusions sur l'état de santé de leur maman.
Me Dominique Caron, qui assurait mardi la défense de l'assistante maternelle, verra dans cet épisode le paroxysme du mal-être de sa cliente. « Depuis 1990, elle a accueilli beaucoup d'enfants difficiles. Ses méthodes étaient dépassées. Elle a reconnu avoir utilisé le martinet ou donner des punitions d'un autre âge, mais elle réfute la malnutrition, la chaise ou les douches froides. Elle a rencontré de gros problèmes de santé, et au lieu de dire qu'elle n'en pouvait plus, elle a continué de faire un métier qu'elle faisait de plus en plus mal. »
Certes, mais pour le ministère public comme pour le conseil des petites, les faits de violences sont incontestables, et l'absence de la prévenue à l'audience d'hier n'aura pas permis aux fillettes de débuter un travail de reconstruction.
L'assistante maternelle a écopé d'un an de prison avec sursis et de cinq années d'interdiction d'exercer sa profession. En outre, elle devra payer 1 200 € de dommages et intérêts au garçon et 2 000 € à chacune des deux filles.
DELPHINE RICHARD
*Pour préserver l'anonymat des petites victimes, leurs prénoms ont été modifiés.